En région Rhône Alpes, rares sont les manifestations autour du parfum. Alors je me suis rendue avec plaisir et curiosité au Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye, qui se trouve à un peu plus d'une heure de mon domicile. Cap sur Saint Marcellin donc, en prenant la petite route qui traverse Saint Siméon de Bressieux, verte, fraîche (ensoleillée ce jour-là) et qui jouxte, en se tortillant, la forêt domaniale de Chambaran.

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Le public parcourt différents panneaux comportant textes, images et même compositions parfumées pour illustrer le propos. Pour les sentir ? Facile : elles sont fixées au mur, actionnables par pression sur une petite poire à parfum, une flèche sur le mur indiquant l'endroit où va sortir la senteur.

Nous démarrons la visite par le parfum portant remède. La liaison se fait tout naturellement avec l'histoire de l'Abbaye. Du moyen-âge au XVIIIème siècle, le village de Saint-Antoine-l'Abbaye a abrité deux communautés à vocation hospitalière pratiquant la charité, ainsi que les soins aux malades et aux plus démunis. Les religieux cultivaient les plantes médicinales dans leur jardin et confectionnaient avec elles les produits de soins et parfums nécessaires à l'aromathérapie. Ils étaient aux premières loges pour combattre la maladie et les grandes épidémies, qui ont éclairci leurs effectifs aussi.

Découverte du "baume de Saint-Antoine", un remède employé dans la lutte contre le "mal des ardents" ou "feu de Saint-Antoine", dont nous savons aujourd'hui qu'il est lié à un champignon qui infecte les céréales, en particulier la farine de seigle. Tout près, se trouvent le vinaigre des 4 voleurs, l'eau de la Reine de Hongrie (dont l'usage, en 1370, marquerait la naissance de la parfumerie alcoolique), l'eau des Carmes...

Nous avançons dans le temps et découvrons les jardins des princes. La grande peste de 1348 ayant décimé le quart de la population européenne, les jardins des seigneurs se développent dans l'optique de se protéger des épidémies par les parfums.

Nous voyageons aussi, les échanges commerciaux et la découverte des nouveaux mondes enrichissant la palette des saveurs et des senteurs avec des épices, de la vanille, du cacao, du café, du thé, et des matières premières animales.

Grimaces d'enfants (et de parents) devant le vaporisateur d'extrait de civette. Et devant d'autres, car certaines compositions sont puissantes olfactivement. Je mesure aux visages et aux commentaires le décalage entre les parfums jugés de bon ton aujourd'hui et une esthétique olfactive pas si ancienne que cela.

Nous suivons les dates-clé de la profession de parfumeur,  longtemps hébergée par diverses corporations, et accédons aux fragrances favorites de quelques tout-puissants d'avant et après la Révolution Française.

Et nous voici en compagnie de la rose, la fleur qui orne et embaume tout aussi bien les jardins des cloîtres que les jardins des princes. Senteurs suaves. Je reste comme hypnotisée par le film sur la culture et la distillation de la rosa damascena au Maroc. Beauté des fleurs. Plaisir contemplatif.

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Une porte ouverte nous attire vers un petit jardin frais et très structuré. C'est le "jardin médiéval, entre Orient et Occident". Laissons reposer un instant nos nez remplis des effluves de plusieurs siècles d'histoire du parfum. Et terminons la visite en regardant les pomanders (destinés aux parfums solides), les vinaigriers (destinés aux parfums liquides) ainsi que les flacons en porcelaine et en verre qui soulignent les progrès technologiques faits à partir du XVIIIème siècle sur ces deux matériaux et illustrent les trésors d’inventivité et de créativité artistique déployés depuis.

Je suis sortie enchantée de cette visite à entrée gratuite, au riche contenu historique et olfactif. L'historienne Annick Le Guérer est la commissaire de l’exposition et des textes. Elle est l’auteure, entre autres, du livre éponyme "Quand le parfum portait remède… Jardin des cloîtres, jardins des princes" aux éditions Garde-Temps, "Le Parfum, des origines à nos jours" aux éditions Odile Jacob, "Les pouvoirs de l’Odeur" aux éditions Odile Jacob.

Je trouve que Saint-Antoine-l’Abbaye est un village qui mérite plus qu’une simple visite au musée. Homologué parmi Les Plus Beaux Villages de France ®, il propose des visites permanentes du patrimoine et des expositions temporaires comme, du 6 juillet au 5 octobre 2014  : "Gemmes, une brillante histoire" et fournit un cadre intéressant pour une journée en famille.

L’exposition sur les parfums se terminera le 10 novembre 2014.